(Récits et légendes)
J’étais vraiment très jeune, lorsque je fis la connaissance
d ’Anne de Bretagne.
A cette époque, il était de coutume dans les institutions religieuses, à la fin de chaque récréation, de prendre les rangs. Au coup de sifflet nous courrions nous mettre en rangs, deux par deux….nous prenions les distances, mettant la main droite sur l’épaule droite de la fille du rang précédent. Une fois bien alignées, la Sœur désignait deux filles qui devaient tenir la tête. Celles qui avaient eu un bon esprit de camaraderie, lors de la récréation. C’était un honneur de conduire cette chenille de filles en uniforme bleu marine et blanc, marchant au pas et chantant à tue tête :
C’était Agne de Bretagne
Duchesse sans sabots !
Nous faisions ainsi un tour de cour, avant de revenir en cours.
Bien plus tard, j’ai appris comme tout le monde la véritable histoire de cette pauvre Anne qui, pour nous, n’avait même pas les moyens de s’acheter des sabots, quant aux chaussures, ne rêvons pas !....
S’il est une bretonne de caractère….c’est bien elle !
Notre petite Anne est née le 25 janvier 1477 à Nantes.
Ses parents :
François II duc de Bretagne et Marguerite de Foix, princesse de Navarre, sa seconde épouse.
Jusqu’ici les fées s’étaient penchées sur son berceau…
Mais la réalité était tout autre.
Déjà à cette époque les mariages forcés allaient bon train.
Très peu de temps avant sa mort, son père doit promettre de ne pas marier sa fille sans le consentement du roi de France…
(Traité de Sablé, nommé aussi Traité du Verger).
Mais quelques mois après cette signature, François II meurt.
Anne devient donc Duchesse de Bretagne.
Deux ans après Anne, qui n’a quand même que 13 ans, se retrouve mariée par procuration à Maximilien D’Autriche et ce malgré ce fameux traité !
Mariage rocambolesque s’il en est !...
Là, j’ouvre une parenthèse, je vais vous raconter :
Mais attention soyez attentifs !
Malgré son jeune âge, Anne était instruite à l' art subtil de la politique. Très attachée à Sa Bretagne, alors menacée par le roi de France, son très proche voisin ambitieux, notre petite Anne choisit tout simplement d’épouser le futur empereur d’Allemagne
Maximilien 1er de Habsbourg.
Et comme il était de coutume à cette époque, Maximilien délégua un de ses compagnons. Celui-ci après avoir chevauché jours et nuits, arriva essoufflé à Rennes. Il lui suffit, selon la coutume de glisser une jambe nue dans le lit d’Anne. Les deux chevilles reliées par une cordelette, authentifieront le mariage.
Apprenant cette liaison, le roi de France réagit violemment.
De son coté Maximilien, confronté à de graves problèmes avec les Turcs, est bien en peine. Il ne réagit pas assez vite.
C’est ainsi qu’Anne, abandonnée à elle-même, se résigne à épouser Charles VIII.
Ce Charles VIII, qui pendant ce temps était quand même officiellement fiancé à Marguerite d’ Autriche !
Cette Marguerite qui n’était autre que la fille de Maximilien !
Vous me suivez toujours ?
Eh oui ! A cette époque c’était déjà un peu Dallas !
Bref ! Après ce premier mariage raté, Anne se retrouva mariée à son premier roi de France Charles VIII, (sous la grosse pression d’Anne de Beaujeu, il faut aussi le dire). Le plus ennuyé dans l’histoire ce fut le pape qui dut annuler ce premier mariage avec Maximilien, en l’antidatant et ce trois mois après !
Là, quelques sept années se passent.
Nous sommes maintenant en 1498, Charles VIII meurt et Anne se retrouve seule à administrer son duché de Bretagne.
Mais une jolie et intelligente veuve, ne peut attirer que des convoitises. C’est ainsi que le futur roi de France Louis XII, pour ne pas perdre la Bretagne, décide de répudier son épouse Jeanne de Valois en faisant casser son mariage par le pape Alexandre VI.
Quelques paperasseries plus loin, Anne se retrouve encore une fois mariée à un roi de France.
De cette bien triste histoire, l’on pourra retenir, comme dans la chanson, les petits sabots d’Anne.
Ils résonnaient de leurs cliquetis, dans les couloirs du château. De jolis petits sabots de bois finement sculptés. Sur le côté l’on pouvait voir une guirlande de trèfles, emblème d’Anne, et sur le dessus un trèfle superbement travaillé en relief.
Anne meurt au château de Blois le 9 janvier 1514
Tout juste 1 an avant Marignan…
Juste pour vous situer clairement l’époque !
Elle n’a même pas trente sept ans.
Son dernier mari, Louis XII désobéira deux fois à la promesse qui lui avait été faite :
Il consentira au mariage de leur fille ainée, Claude de France, (encore une femme bafouée !) héritière de Bretagne avec le duc d’Angoulême, héritier de France, futur François 1er.
Il fera inhumer solennellement Anne en la cathédrale Saint Denis, malgré le désir qu’elle avait exprimé de reposer près de ses parents à Nantes. Cependant, son cœur fut enchâssé dans une chape d’or, reproduisant les contours parfait de son propre cœur.
Il fut rapporté et déposé entre le tombeau de ses parents, en grandes pompes. Après bien des péripéties, la chape volée est enfin retrouvée, mais vide.
Elle est maintenant visible au musée de Nantes.
Triste destin que celui d’Anne de Bretagne.
Je vous dessinerai le modèle exacte des petits sabots
de notre chère Anne de Bretagne.
Bonne journée.