(Récits et légendes)
La Loire dans son extravagance, forme parfois ça et là, quelques ilots de sable et terre mêlés. A cette époque ancienne, l’on pouvait encore voir, une ile assez grande pour y construire un manoir.
Ses occupants, un comte et une comtesse y gardaient le plus précieux des trésors : Jade, leur fille unique. Elle avait bien eu jadis quelques frères, tous morts à la guerre.
C’était une très belle jeune fille, douce, obéissante et d’une grande sagesse. Elle donnait aux pauvres et savait même lire et écrire. La jeune fille, riche héritière de surcroit, grandissait protégée du monde extérieur. Elle allait maintenant sur ses 16 ans….
Vous imaginez bien, qu’une telle merveille attirait bon nombre de prétendants. Mais les parents trouvaient toujours quelque chose à redire, toujours trop ceci ou trop cela !
Mais un matin de printemps …
Oui ! Car c’est bien cette nuit là que tout commença !
Fanchon, la fidèle servante entra comme chaque matin dans la chambre bleue de la douce Jade. Mais quelque chose n’allait pas. Cette chambre d’habitude si paisible, n’était plus la même. Il y avait un je ne sais quoi de changé. Fanchon examina scrupuleusement chaque détail. Elle aperçu, les escarpins roses de Jade aux pieds du lit, ceux là même qu’elle avait rangé sur l’étagère après les avoir fait briller. Ils étaient là, poussiéreux et avachis, les semelles si usées qu’elle y passa le doigt !
Mon Dieu ! Et si notre belle amie souffrait soudain de ce mal mystérieux, ce mal terrible qui sort les gens du lit et les fait marcher au bord des falaises ou cheminer sur les toits des maisons. Ce mal qui fait si peur, ce mal dont on dit, que si l’on réveille l’infortuné, il meurt sur le champ !
Fanchon s’approcha du lit.
Jade encore haletante, le visage crispé, la regardait avec stupeur.
- Que s’est-il passé, ma belle ?
Mais la jeune fille apeurée ne voulu dire mot.
- Je ne peux rien te dire, tu ne peux rien pour moi…
Fanchon qui était de la région, savait, qu’il se passait parfois quelques étrangetés, et de ce fait lui promis le silence.
La journée se passa bien, presque normalement. Chacun de voir, la lassitude de Jade, mais à cette âge, les jeunes filles ont parfois de la mélancolie. La comtesse se dit, qu’il faudrait songer à la marier…bientôt.
Le soir arriva enfin et Jade se glissa entre ses draps de soie et s’endormit aussitôt.
Fanchon rangea sur l’étagère, les petits souliers neufs qu’elle avait achetés en cachette, pour ne souffler mot à personne, et y déposa juste à côté, une plume d’oie légère, légère ….Un simple duvet blanc lumineux, et ressortit tout doucement laissant Jade plongée déjà dans un profond sommeil.
Fanchon ne dormit pas cette nuit là. Allongée devant la porte de la chambre bleue, elle guettait le moindre bruit suspect. Et plus les heures passaient, plus elle se rassurait. Cette nuit, elle en était certaine, il ne se passerait rien !
Au petit matin, un peu avant l’heure habituelle, elle se glissa furtivement dans la chambre de Jade. A peine avait-elle entrouvert la porte, qu’elle aperçu le duvet blanc, qui brillait dans la pénombre…
Elle entendait la jeune fille respirer rapidement…Les souliers déformés et boueux gisant sur le parquet. Fanchon s’approcha du lit et croyant la jeune fille endormie, souleva doucement le drap léger.
Stupeur, les pieds de Jade, étaient en sang. Cette vision fit monter immédiatement les larmes aux yeux de la servante. Une des ces larmes, tomba malencontreusement sur le pied de la jeune fit, qui se réveilla en hurlant de douleur. Puis rabattant prestement le drap sur elle, Jade, regarda méchamment Fanchon.
- Mais enfin, puisque je t’ai déjà dit que cette affaire ne te regardait en rien !
Laisse-moi et va t – en !
Mon dieu, comme elle avait changé ! Que c’était-il passé cette nuit encore, pour mettre cette douce enfant dans une si grande rage ?
Fanchon ramassa en silence les pauvres escarpins et s’en alla réveiller les parents. Au récit qu’en fit la servante, le comte et la comtesse en firent chamboulés.
Leur fille unique, la belle Jade, fuguerait donc la nuit ?
Pendant que Jade récupérait de sa folle nuit. Le manoir était en ébullition. Ordre fut donné à tous, de surveiller la jeune fille durant la prochaine nuit. L’on fit venir des gardes en armes du village voisin. Chacun eut pour mission, la protection de la jeune fille.
Lorsque le soir tomba, chacun était attentif à son poste.
Chaque porte et chaque couloir étaient sous haute surveillance.
Le comte fit poster devant la porte de la chambre de sa fille deux solides gaillards armés jusqu’aux dents, sous la fenêtre en contre bas, la patrouille aux aguets, ne laisserait passer personne….
Tout devrait être calme et rentrer dans l’ordre cette nuit. Ainsi l’avait décidé le comte.
Mais à minuit, la jeune fille ouvrit les yeux et à ce moment précis, tous les occupants du manoir s’endormirent.
Aux premières lueurs du jour, chacun repris sa place, un peu hébété. Fanchon, qui n’avait pas dormi se précipita près de Jade.
Hélas ! La même scène se reproduisait. Le comte et la comtesse s’engouffrèrent à leur tour dans la chambre bleue. Ils ne purent que constater le mauvais état de Jade. Pas un seul mot d’explication, la jeune fille se mettait à pleurer et détournait son visage. Le mystère restait entier.
Le comte eut alors une idée : il fit publier dans toute la contrée, un avis très spécial. Il accorderait la main de sa chère fille - avec une solide dot à la clef- à quiconque délivrerait Jade de ce mauvais sort.
Durant les jours qui suivirent tout ce que comptait comme célibataires à cent lieues à la ronde, se retrouvèrent au manoir. Du plus gradé des officiers, au plus humble des forgerons, ils étaient alignés, attendant leur tour. C’est à qui proposerait ses services et ses solutions radicales.
Les jours passaient et rien n’y faisait. Jade était de plus en plus fatiguée, et les prétendants, désabusés, quittèrent un à un le manoir.
Lorsqu’un beau matin, un fougueux chevalier se présenta à l’orée du bois.
Il venait de très loin, de ce Haut-Anjou où il était marquis.
Il se présenta au comte.
- Je suis Hubert, marquis de la Flèche. Je réussirai à délivrer votre fille de ce sortilège car mon cœur est pur, et j’aime Mademoiselle depuis …..
Mais il s’arrêta tout net. Jade venait d’entrer et lui souriait.
Il allait avouer au comte qu’il était déjà venu la semaine passée, habillé en mendiant. En apercevant la détresse de la douce jeune fille, il avait décidé qu’il reviendrait, cette fois par la grande porte et que lui seul pourrait la sauver.
Il avait depuis ce jour établi un solide plan de bataille.
Il expliqua au comte, comment il allait opérer dès la nuit suivante.
Pendant ce temps, il dépêcha son fidèle laquais dans la forêt voisine de son château. Il y connaissait une vieille femme, que l’on disait sorcière, et qu’il avait jadis sorti d’affaire. Elle lui avait promis une éternelle reconnaissance.
Le soir tombait déjà, lorsque le laquais arriva sur son cheval fourbu, il tendit une petite bourse de velours rouge, que le jeune marquis, s’empressa d’accrocher à son pourpoint.
Tout le monde était à son poste.
Un peu avant minuit, Hubert entra dans la chambre de Jade, précédé par le comte et la comtesse et suivi par une dizaine de gardes armés, sans oublier notre fidèle Fanchon…
Jade, se coucha. Très vite elle plongea dans un profond sommeil, tandis que l’on veillait tout près d’elle............................
Yvonne Delisle
A suivre.
Bonne journée