(Récits et légendes)
LA LIBRAIRE LIZA lance un appel à tous les conteurs, conteuses,
publié(e)s ou non,
conteurs et conteuses d'occasion ou professionnelles, peu importe :
Voici donc le conte que j'ai écrit pour la circonstance....
En s’endormant ce soir là, Bénédicte était bien loin d’imaginer que des évènements extraordinaires allaient troubler sa paisible nuit.
Un rayon de lune éclairait à peine, la petite chambre
Il ne devait pas être loin de minuit, lorsque la fillette, émergeant d’un demi-sommeil, entendit de furtifs murmures. Ils semblaient venir du placard. Intriguée, Bénédicte se souleva sur un coude, juste pour apercevoir, la porte s’entrouvrir. Elle regardait, les yeux écarquillés, ses jouets sortir avec précaution, de ce placard. Un ours rapiécé mais téméraire, marchait en tête, suivi d’un petit chien frisotté et d’un marin délavé.
Elle se souvenait, de tous ses vieux jouets jetés pêle-mêle, dans un carton. Ils étaient supplantés depuis longtemps par d’autres, animés et sonores. L’attention de Bénédicte, fut attirée par une poupée rose, ballerine au tutu fané. Elle suivait avec peine cet étrange défilé, claudiquant tristement. Son chausson de satin blanc au laçage défait, trainait derrière elle. Tandis que devant, un lapin à l’oreille cassée, gambadait joyeusement. Elle s’arrêta près du jeu de cubes. L’un d’eux s’offrit comme siège, au grand soulagement de la malheureuse danseuse.
Des larmes coulaient sur ses joues. Un clown triste s’approcha d’elle.
- Pourquoi pleurer ma belle, nous ne sommes que de vieux jouets oubliés.
- Tu te souviens comme Elle nous aimait et maintenant regarde…Mon pied cassé par son méchant cousin et toi, ta main mangée par son horrible chien. Jamais plus tu ne joueras de violon et moi je ne danserai plus pour toi.
- Mais, nous sommes encore là, dans ce grand carton. Elle aurait pu nous jeter !
La petite danseuse essuya ses larmes tandis qu’un autre cube s’approchait d’eux.
- Clown, tu peux t’assoir sur moi, je suis en bois, et encore solide. Oh ! Bien sûr mes images sont déchirées et quelques uns de mes compagnons ont disparu…. Oui, c’est bien triste, mais nous sont encore là.
La petite troupe devisait doucement, lorsqu’elle fut rejointe par un soldat de plomb.
- Salut soldat, dit le petit cube, que nous vaut ta visite ? Tiens tu as nouvelle jambe !
- Oui ! Je m’en suis fabriquée une, l’échelle des pompiers venait de perdre un barreau…A la guerre comme à la guerre !
- Soldat, gentil soldat, pourrais-tu faire quelque chose pour la main du clown, la vie est bien morose, sans son violon !
- Montre-moi ça !
Après observation, il appela
- Zouma ! J’ai besoin de toi !
Sitôt appelé, sitôt arrivé ! Un singe malicieux déboula prestement.
- Que me veux-tu mon Prince ?
- Trouve-moi du fil et si possible une aiguille !
Le singe s’engouffra dans le placard, pour ne ressortir qu’un instant après, au milieu d’une cascade de perles.
- Maladroit, mais qu’as-tu fait ?
- Tiens ! Voilà du fils et une aiguille ! Mais j’ai du bousculer un peu la boite de perles, elle n’est pas très prêteuse !
Le soldat enleva son bonnet à poils, devant les visages médusés. Il n’avait pas de cheveux et il semblait si petit.
Avec précaution, en quelques points, il attacha la manche du clown au violon.
- Voilà essaie de jouer maintenant.
Sans se faire prier, le petit clown esquissa quelques notes cristallines sous les yeux pétillants de la ballerine.
- A toi, maintenant, jolie poupée,
Deux points ici, deux points là, et la ballerine faisait les pointes.
Le clown jouait, sa princesse dansait, le singe applaudissait.
C’est en regardant ce beau spectacle que Bénédicte s’endormit.
Le lendemain matin, dès son réveil, elle se précipita, ouvrit le placard, le carton et découvrit le clown sans main, la danseuse au pied cassé, et le soldat unijambiste. Elle les apporta tous les trois dans la cuisine où sa maman l’attendait préparant un bon chocolat chaud.
- Regarde maman. Ne pourrait-on pas faire quelque chose pour mes jouets ?
- Mais ce ne sont que de vieux jouets, tu en as de plus jolis maintenant.
- Oui, mais, c’est ceux-là que j’aime.
Bénédicte fut si convaincante, que l’après midi même sa maman et elle, allèrent confier tout ce petit monde à la clinique des jouets, toute proche.
C’est depuis ce jour que les trois amis retrouvèrent leurs places sur l’étagère, tout près du lit, d’où ils veillent sur le sommeil de la petite fille.
Yvonne Delisle