(Récits et légendes)
Ivana, la reine des Korrigans.
Il est un lieu presque secret aux fins fonds des Monts d’ Arrée que l’on a coutume de nommer La Roche Percée.
Il s’y passe de drôles de choses parfois à la tombée de la nuit.
On prétend même que les landes sont le domaine des farfadets, lutins et autres Korrigans. En Bretagne on parle d’eux à demi-mots, on chuchote à la veillée…
Les anciens disent avec crainte et respect :
" Bugale an noz " : les enfants de la nuit !
Car ceux qui ont croisé leur route, comme Yannick, s’en souviennent à jamais.
….
Nous étions en été, Yannick, un solide gaillard, rentrait chez lui, épuisé par une journée de moisson. Il traversait la lande comme à son habitude, quand il s’ aperçut soudain qu’ une vieille femme, venue de nulle part et misérablement vêtue, le suivait.
Il n’y prêta guère attention et poursuivit son chemin.
Il changea plusieurs fois de direction tantôt à droite, tantôt à gauche… Et la vieille suivait toujours.
Il arriva enfin devant sa modeste maison, elle était toujours là.
Il s’apprêta à ouvrir sa porte quand elle se pressa derrière lui.
- Je suis arrivé chez moi, déclara–t-il brièvement, comme pour l’inciter à partir. Elle le regarda sans dire un seul mot et il comprit qu’il ne s’en débarrasserait pas aussi facilement. Sans attendre d’ être invitée, elle le suivit, et alla s’assoir à la table, toujours en silence.
Yannick était très pauvre mais il lui proposa de partager son repas. Il lui offrit la moitié de sa soupe claire, la moitié de son cidre et la moitié de son reste de pain rassis. La vieille le regardait avec insistance. Elle ne prononça aucun mot de toute la soirée.
La fatigue gagnait Yannick. Il n’avait qu’une idée, dormir. Comme elle ne se décidait pas à partir, il lui proposa une couverture et la posa sur les genoux de la vieille.
Il laissa s’allonger sur son lit, mais ne trouva que difficilement le sommeil.
Au petit matin, Yannick se réveilla en sursauts….Elle était toujours là, assise sur le même banc et le regardait en silence.
Il voulut préparer un petit déjeuner mais ne trouva qu’une seule pomme …… qu’il partagea.
- Je vais au champs, c’est le moment, dit-il en se levant.
La vieille femme le suivit. Au bout de l’allée, il se retourna, la vieille s’arrêta et lui dit enfin :
- Tu as été bon pour moi, tu mérites une récompense, viens ce soir à 7 h à la Roche Percée et tu recevras ce que tu mérites !
Yannick resta interloqué. D’abord parce qu’il croyait que cette vieille était muette et son étonnement fut plus grand encore lorsqu’elle disparut dans un tourbillon de paillettes rouges.
Yannick se baissa pour ramasser deux ou trois de ces étoiles scintillantes, mais à peine les avait-il dans le creux de la main, qu’elles disparurent à leur tour.
Il reprit son chemin et travailla encore très dur ce jour là. Il pensa bien un peu à ce drôle de rendez-vous, mais il était bien loin d’imaginer ce qui allait lui arriver.
Enfin, la journée touchait à sa fin, lorsque les cloches du village lointain sonnèrent un coup, puis un autre….
Yannick se mit à courir, courir….Et au sixième coup il était là, haletant, au pied de la Roche Percée…
Tout essoufflé, il scruta la lande, point de vieille femme !
Il pensa : La sorcière m’a bien eu ! Car pour Yannick, il s’agissait bien d’une sorcière !
Enfin au dernier coup de sept heures, une magnifique jeune femme resplendissante dans sa robe rouge, se tenait devant lui.
- Bonsoir Yannick, je suis Ivana la reine des Korrigans. Tu as été bon avec moi, tu as partagé ton maigre bien, ce soir tu partageras mon trésor. Tu es venu chercher ta récompense, la voici !
Devant notre Yannick médusé, la féerique jeune femme prononça quelques phrases dans une langue inconnue de l’humain et la roche pivota laissant apparaitre une fissure d’où émanait une lumière irréelle.
Il n’osait pas trop avancer, mais Ivana l’y encouragea.
- Un instant ! lui dit-elle, tu pourras emporter tout ce que tu veux de cette caverne, mais à minuit tapant, tu devras être ressorti, sinon tu resteras à jamais enfermé dans les entrailles de la terre !
Yannick hocha de la tête en souriant…
Il n’était que sept heures et minuit était encore loin….
Il serait rentré chez lui depuis longtemps !
Mais c’était sans compter avec le destin !
Yvonne Delisle
( à suivre )
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