(Récits et légendes)
Ivana lui tendit trois grands sacs de toile de lin blanc, qu’il accepta.
Il s’engouffra dans la fissure de la roche en se laissant guider par cette lumière. Il se retourna une fois encore en souriant à cette merveilleuse beauté.
Plus Yannick avançait, plus la fissure se rétrécissait.
Elle semblait s’adapter à la taille des Korrigans. Il remarqua aussi que les sacs qu’ils tenaient à la main, diminuaient. Mais ce que Yannick ne soupçonnait pas encore, c’est que lui aussi perdait peu à peu de sa corpulence. Il avançait toujours plus profondément et la lumière se faisait plus vive.
Il déboucha enfin dans une première salle.
Tout n’était qu’éclat d’or et de rubis. Yannick se dit que cette salle ressemblait beaucoup à la robe d’Ivana. Elle n’était que beauté et magnificence. Le jeune homme remplit un premier sac, puis il aperçut une autre lueur, bleutée cette fois. Il déposa son premier sac et entra dans la seconde galerie.
Peu à peu les murs suintaient de paillettes saphir. Plus il avançait et plus les pierres précieuses grossissaient. Elles semblaient être enchâssées dans les veines d’argent des parois.
- C’est magnifique pensa Yannick…Tout aussi bleu que les yeux d’Ivana.
Il prit encore quelques pierres, et lorsque le second sac fut rempli, il distingua une nouvelle lueur. Il posa le sac de saphir et d’argent, et se dirigea vers le fond de la mine.
Ce n’était pas le même genre de lueur. Celle-ci vacillait joyeusement. En progressant prudemment, Yannick entendit comme une musique, puis des rires qui fusaient. Curieux il hâta le pas.
Oui, c’était bien un violon qui jouait un air endiablé.
Arrivé à l’entrée de la nouvelle grotte, il fut stupéfait d’apercevoir une bande de joyeux gamins qui faisaient une ronde autour d’un grand feu de joie.
Il ne put retenir un petit cri de surprise, ce qui fit se retourner deux petits danseurs. Ils lui firent signe d’approcher et de se joindre à la farandole. Yannick accepta avec plaisir.
Il oubliait ses soucis et son dur labeur en retrouvant un peu son âme d’enfant au milieu de cette joyeuse bande.
.....Et Yannick dansa, dansa !
Mais tout à coup, au milieu des rires, il cru entendre le son d’une cloche….Mais, les lutins l’entrainèrent, pour un nouveau tour. La cloche se fit à nouveau entendre….
Yannick sembla cette fois sortir de sa douce torpeur.
- Quelle heure est-il à présent, mes amis.
A ces mots les petits Korrigans se mirent à rire presque méchamment.
Le plus âgé s’approcha de Yannick.
- Ne t’inquiète pas, d’ici quelques secondes, le temps n’existera plus pour toi. Viens danser !
- Non ! Non ! Je dois partir, je l’ai promis à Ivana.
A ces derniers mots les rires des Korrigans se firent sarcastiques.
Yannick s’enfuit le plus rapidement qu’il put, ramassa un premier sac, puis un second. Il sortit de la grotte au moment même où le dernier coup de minuit sonnait.
Il haletait et ne se rendit pas compte tout de suite, du désastre.
Ivana était devant lui, furieuse.
Qu’avait-il donc pu faire pour l’irriter à ce point.
Il posa à terre un premier sac qui chavira et d’où sortait un flot de pierres rouges et de pépites d’or….qui se transformèrent au contact du sol en sable blond. A sa grande stupéfaction, Yannick vit son second sac, se transformer de la même façon en cendres.
Les sacs gisaient à terre, ils avaient gardé leur petite taille, tandis que Yannick retrouvait peu à peu la sienne.
- Tu as triché ! Je t’avais offert un trésor, et tu as gâché ta chance.
Le gaillard incrédule, osa malgré tout répondre.
- Mais…Je ne comprends pas, j’étais là à minuit !
- Je ne te parle pas de cela ! qui t’a autorisé à voir mon peuple ?
Tu n’avais pas le droit !
Yannick en resta bouche bée tandis qu’Ivana disparaissait à ses yeux.
Il rentra tristement dans sa chaumière. Elle lui apparaissait encore plus misérable et délabrée que d’habitude.
Yannick fut envahi par une immense peine.
Cette nuit là, il pleura toutes les larmes de son pauvre corps.
Le lendemain il pleura encore et la nuit suivante aussi.
Ivana qui le surveillait du coin de l’œil, envoya un oiseau chargé d’un message.
- D’où viens-tu bel oiseau ?
Mais l’oiseau ne répondit pas à cette question.
- Et toi ! Pourquoi pleures-tu ?
- je pleure ma bonne fortune ! J’avais devant moi, la plus belle des femmes de cette région et je l’ai trahit !
- Tu pleures donc les trésors qu’elle t’offrait ?
C’est ainsi que Yannick raconta à l’oiseau sa mésaventure.
L’oiseau vit qu’il était sincère et s’en revint vers Ivana.
- Il n’est nullement intéressé par les richesses de ton peuple. Dans la première salle, il ne voyait que le reflet de ta robe, et dans la seconde celui de tes yeux. S’il est entré dans la troisième, c’est que son âme pure l’y a guidé.
A cet instant la Reine des Korrigans fut prise de remords.
Le soir venu, elle frappa à la porte de la petite chaumière. Yannick lui ouvrit sans dire un mot, les yeux rougis.
- Bonsoir. Je viens t’apporter un cadeau.
- Je ne veux plus rien de toi ! Vas et poursuis ton chemin.
Ivana sortit de sous sa cape un grand plat de bois.
- Tiens ceci, pour me faire pardonner !
Yannick prit le plat sans y prêter trop attention et le posa sur le buffet bas.
- Non ! Pose-le sur ce trépied là, dans la cheminée…. Tu n’as rien mangé depuis trois jours.
Ivana lui parla d’une voix si douce, qu’il s’exécuta machinalement.
Dès que les flammes léchèrent le plat, celui-ci au lieu de bruler, se remplit d’un poulet doré à point et de quelques légumes de saison.
Un délicieux parfum embaumait désormais la chaumière.
Yannick, en souriant posa deux assiettes sur la table, et ils dinèrent tous deux, heureux.
La nuit était déjà tombée lorsqu’ Ivana quitta Yannick.
Ils ne devaient plus jamais se revoir.
A quelque temps de là, un beau dimanche, en rentrant de la messe, Yannick croisa une très belle jeune fille, toute de rouge vêtue.
Lorsque ses yeux d’un magnifique bleu, se posèrent sur lui, il sut à l’instant même qu’elle lui était destinée.
C’est ainsi qu’il se marièrent et vécurent très heureux entourés de leurs enfants. Ils ne manquèrent plus jamais de rien et mangèrent chaque jour à leur faim.
Dans ce petit village au pied des Monts d’ Arrée, les descendants de Yannick gardent encore précieusement de génération en génération, ce plat magique qui transforma la vie de leurs aïeux.
Ne cherchez pas à savoir leur nom, c'est leur secret. Ils vivent modestement et mangent à leur faim chaque jour et pour toujours.
Yvonne Delisle
Retrouvez les Histoires de Mamigoz
dans l' Album Légendes, Récits et Nouvelles
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